Par Claire Durocher
Ce matin là, l’hiver se reposait sur la rivière. La neige éblouissait la ville comme si elle faisait des révérences au soleil.
À l’intérieur de l’humble chaumière, tout ressemblait à un autre matin, sauf pour elle qui respirait un air nouveau, léger comme la fraîcheur du premier perce-neige. Accoudée à la table de la cuisine, elle regardait les rires de ses enfants. Les céréales d’avoine humaient leur odeur de campagne. Le déjeuner terminé, le plus petit se blottit contre elle pendant qu’elle lui enfilait ses mitaines.
La plus âgée s’emmitoufla dans son manteau et mit joyeusement sa tuque. Elle partit pour l’école marchant telle une princesse dans un rêve d’enfant. Son jeune frère suivait derrière d’un pas désinvolte.
Seule à la maison, elle partagea un grand verre de jus d’ananas avec son mari qui était venu la rejoindre à la cuisine. Il lui prit la main doucement et lui parla d’un air léger. Elle glissa sa main dans ses cheveux, déposa un baiser d’étudiant sur sa joue et alla se préparer pour le rendez-vous.
Ce matin-là malgré le calme de l’hiver, pour elle c’était la tempête, l’ouragan, l’éclatement des bourgeons, la fête à la plage, les citrouilles colorant novembre. Elle allait acheter une maison familiale. Elle choisit un ensemble sobre et laissa glisser sa longue chevelure sur ses épaules pour garder ce petit air gamin qu’elle avait besoin en ce jour si important.
Avant de partir, elle demanda à son mari d’écouter la chanson lorsqu’ils se sont aimés pour la première fois. Cette chanson venait lui redire le message d’antan Mon amour, mon bel amour, nous serons notre maison.
Et ils partirent sur le boulevard les menant au centre-ville. Main dans la main, ils marchèrent du même pas jusqu’au 1995 Pine Sud. Un édifice de verre fumé et de béton à l’extérieur, rehaussé de chêne et de laiton à l’intérieur. Elle vivait chaque moment intensément.
La grande porte de chêne s’ouvrit, un homme grand et mince les invita à le suivre. Ils traversèrent une salle où on entendait le chuchotement des ordinateurs. L’homme les fit entrer dans une petite pièce où les boiseries de chêne envahissaient le regard. Sur l’immense bureau bien verni laissant voir le grain du bois, se trouvait le document tant attendu. Elle et son mari tenaient chacun le document d’une main comme s’ils se passaient mutuellement l’anneau d’or du mariage. Et, à sa grande stupéfaction, le notaire lui offrit un vulgaire stylo Bic pour apposer sa signature en bas du document. A-t-on déjà rêvé d’un stylo Bic ? Elle eut un sourire anodin qui cachait mal sa surprise, son excitement, son rêve, sa réalité !
De retour dans l’humble chaumière, les boîtes s’empilèrent les unes sur les autres annonçant le changement. Elle était heureuse, on pouvait voir une petite phrase brodée sous ses cils: Take me home.
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Mon Dieu, quel merveilleux texte, j’ai eu l’impression d’aller voir cette nouvelle maison avec eux, je ne pouvais même pas finir de manger mes céréales tellement j’étais fascinée, ayant envie de voir la suite! Bravo Claire!
Merci beaucoup Suzanne. Je suis désolée pour vos céréales, mais il semble que ça en valait la peine. On n’a jamais trop de bonheur, il suffit de le reconnaître dans les gestes du quotidien.
un beau texte, …… j’avais l’impression de visite la maison avec vous……. bonne fin de journée
Merci beaucoup.