Note : Les photos n’ont pas été prises durant cette escapade sauf la photo polaroid avec le camionneur.

Des courants d’air dans les idées

Des ouragans dans la tranquillité

Voici venir le temps de voguer au gré du vent vers ailleurs

Dans les années 70, des centaines de Québécois passent l’hiver en Floride. C’est le début d’une habitude culturelle. Ces vacanciers prennent l’avion et demandent à des agences montréalaises de faire descendre leur auto par un chauffeur. À quelques reprises, je profite de ces offres et m’improvise chauffeur. Le premier contrat est de descendre l’auto en Arizona. La route est indiquée dans un carnet de route ressemblant davantage à une encyclopédie pour expliquer les champs de coton, le Grand Canyon et autres.

Mon plus beau souvenir est mon entrée en Arizona. Dans la vallée, des cactus géants se pointent dans le crépuscule. Le soleil fait miroiter sa couleur rouge sur le sable et, par un jeu de lumière à l’arizonienne, tout le paysage devient rose. Pour la première fois de ma vie, je vois un paysage qui n’est pas vert comme celui des Laurentides. Jamais je n’oublierai ce moment au point où dans mon cours d’horticulture, 30 ans plus tard, je reproduis ce paysage de cactus rosé. Dans l’aubier de l’école, je colore le sable avec du jus de betterave, je trace un cours d’eau presque à sec avec du galet de rivière, j’insère un plexiglas bleu pour représenter un oasis. J’ajoute des cactus de toutes les grandeurs pour recréer ce paysage unique de l’Arizona.

Après ce coup de foudre d’un coucher de soleil d’Arizona, je contourne une montagne pour apercevoir dans le pénombre du soir, la ville de Tucson. C’est là où je dois remettre l’auto au propriétaire. Aussitôt dit aussitôt fait, puis je prends un autobus jusqu’à Nogales, la frontière du Mexique. Le Mexique représente pour moi à cette époque, le bout du monde. Entrer en territoire latino, cette région qui a abrité les Mayas et tant de cultures anciennes remplies de secrets et de mystères. Aller à la rencontre de leurs descendants parlant espagnol, marcher sur les pierres primitives des ruelles, scruter le sable blond des rivages à la recherche de fossiles, toucher ces maisons de chaume et de mortier.

Je traverse la frontière à pied pour les formalités. Mauvaise idée, je suis assaillie par des mendiants, par des femmes implorant de leur donner de l’argent pour nourrir leur enfant. Les personnes sont accrochées à mon sac à dos, tirent sur mes vêtements. Que de confusion, d’incompréhension. Voyant la lignée de chauffeurs de taxi qui s’avancent vers moi à pied avec leur air non rassurant, je cours droit devant sans regarder à côté. Un chauffeur d’autobus local s’arrête pour me tirer d’affaire.

Dans l’autobus d’ouvriers, les gens sont souriants, contents d’avoir terminé leur quart de travail. L’autobus s’arrête dans des villages si petits. J’ai peine à reconnaître les maisons qui sont de la même couleur que la route de sable. Tout semble monochrome comme figé si ce n’est ces travailleurs sur le retour à la maison. C’est si relaxant que même le chauffeur s’arrête, peut-être chez lui, pour prendre le thé avec les siens pendant qu’on attend une heure dans l’autobus. Personne ne se soucie de l’absence prolongée du chauffeur.

3 paysages du Mexique

Je profite de ce répit pour revoir mon entrée presque catastrophique dans ce pays mayas. Puis, je réalise combien l’autobus est amusant. De couleurs rouge et blanc, il a des pompons autour des fenêtres comme ceux qu’on voit sur les sombreros. Les garde-boues sont placés à l’avant des roues pour rendre le mastodonte plus beau. Des statuettes religieuses sont visibles dans des endroits stratégiques du véhicule pour nous protéger de tous dangers. J’ai finalement un transfert dans un autocar de luxe pour finir le trajet estimé à une heure et demie. Je pourrai me rendre à la plage et louer une chambre pour la nuit.

Et non, ce sera plus de 6 heures de route. Un deuxième trajet d’autobus aussi imprévisible que le premier. Il y a les cochons entassés dans le compartiment à bagages sous l’autobus et leurs cris de panique. Il y a ce scorpion plus gros que la ligne jaune de la chaussée qui traverse la route. Il y a cet homme qui monte à bord avec un sac de jute. Comme l’autobus est bondé, il s’installe debout à côté de moi. Tout à coup, je vois la poche de jute s’agiter et une tête de serpent apparaît. Je ne peux pas être plus morte dans tout mon corps. L’homme bouge un peu le sac et descend au prochain arrêt. Une passagère mange une orange à la pelure verte, pendant que l’autobus s’arrête au milieu d’une forêt vierge. Le chauffeur me demande, à mon ami et moi, de descendre car c’est notre arrêt.

Cour privée avec vélo

La noirceur est tombée, je ne vois rien. Le chauffeur dit de marcher 6 kilomètres en direction de la mer. C’est un marécage aux bruits étranges et aux odeurs envahissantes. Je marche d’un pas incertain, d’un pas nerveux sachant que les serpents pourraient me surprendre à tous moments. L’obscurité fait peur, ma respiration est pleine d’effroi et me donne la trouille tant elle est angoissante. Voilà que je heurte quelque chose, un face à face brutal. Je sens d’immenses crocs de chaque côté de ma tête. Je suis prise au piège, le coeur m’arrête pour bientôt entrevoir dans le reflet argenté de la lune une vache. En fait, deux vaches broutent près d’un gros tas de plantain, laissé là par les travailleurs de la bananeraie.

J’avance de quelques pas et rencontre deux Mexicains avec leur âne. Perdue et égarée au plus profond de ma peur, je supplie l’Univers de me protéger des dangers et surtout de me protéger de ma propre peur qui est insupportable, morbide, mortelle. En fait ce qui me fait le plus peur est ma propre peur.

La piste mène à une clairière où pointent quelques petites habitations. Une dame m’invite à dormir chez elle… dormir chez elle… en fait la chambre est dehors. Je peux y mettre mon hamac, mais je suis la proie idéale pour tous serpents qui voudraient bien de moi.

Hutte sous des feuilles de bananier

Au matin, l’esprit encore meurtri par cette arrivée mouvementée en terre mexicaine, un ouvrier me conduit à la plage. La saison touristique n’est pas commencée, l’endroit est comme neuf. Le temps est beau, miraculeux, des dauphins viennent nager près du littoral. J’achète mes repas à la bananeraie avec les travailleurs. Chaque jour, deux personnes restent à la maison pour préparer le souper de tous les ouvriers pendant que ceux-ci travaillent à la cueillette des bananes. Le soir venu, chacun apporte sa gamelle dans lequel les cuisiniers versent le repas du soir.

Quelques jours plus tard, je reprends la route vers Mazatlan, ville sise à la croisée du Golfe California et de l’océan Pacifique. Un endroit paradisiaque où, pour environ deux dollars par jour, je peux étendre mon hamac et un bon déjeuner est servi. Les couleurs de l’eau, le bruit des vagues me transportent dans un site enchanteur à l’intérieur de moi-même. Jamais je n’aurais pu imaginer de telles beautés!

La nuit c’est amusant, mais vaut mieux rester dans son hamac car des centaines de petits crabes égalisent le sable piétiné par les vacanciers durant la journée. Le matin c’est d’une égalité sans pareille comme une broderie laissée par les pattes des crabes. Incroyable! Ce premier matin au bord de l’océan, je goûte pour la première fois à un poivron farci et qui plus est, un poivron farci cuisiné des mains de maîtres par une dame mexicaine, un vrai délice.

Hamacs de toutes les couleurs

Je descends vers le sud encore un peu jusqu’à Puerto Vallarta, une ville de la côte. J’habite une petite auberge dans un quartier simple et coquet. Au bas de la pente, je vois les hôtels des riches qui se sont appropriés le bord de la mer. Bien triste réalité. Dans mon secteur, ce qui m’étonne est de voir toute la journée les habitants balayer le devant de leur propriété. Ils envoient les résidus dans un canal au centre de la rue. La pente et l’eau font glisser toute cette saleté vers la mer, juste là où les touristes se baignent, enfin les quelques touristes car la plupart préfèrent la piscine. Venir sur le bord de la mer pour se baigner dans une piscine, il y a un non sens dans ma tête.

coucher de soleil sur la mer

Après quelques escapades jusqu’à Manzenillo, je remonte vers le nord en train jusqu’à Monterry, une ville avec une forte empreinte historique. Le voyage en train est mouvementé. Le train transporte les Mexicains d’une ville à l’autre à travers les montagnes. Je me demande comment les gens font pour vivre dans ces montagnes froides qui m’apparaissent si inhospitalières.

Aux arrêts, des enfants montent à bord et offrent du maïs en épis ou des tortillas. Chemin faisant le contrôleur tente de voler mon manteau. Sans trop réfléchir aux conséquences possibles, je lui fais comprendre que je ne céderais pas. Tirant sur le manteau chacun de notre côté, il finit par lâcher prise. Je peux conserver mon manteau vert kaki d’armée, cadeau de mon frère Raynald pour mon voyage. 

Je ne suis pas au bout de mes peines. La toilette du train se libère, je me précipite, la porte ne barre pas. Je ne m’en soucie guère jusqu’à ce qu’une maman ouvre la porte et pousse sa petite fille sur moi. La fillette ne perd pas de temps et fait pipi sur mes souliers. La scène est tellement cocasse que j’en ris à gorge déployée. Plus qu’un voyage en train, c’est presqu’une épopée périlleuse!

Je suis si dépaysée que j’en oublie la saveur si rassurante de ma patrie natale.

Dindes sauvages dans la rue

Je traverse la frontière à Laredo, au Texas dans la région de San Antonio. C’est comme dans les séries télévisées texanes. Le langage est incompréhensible, la prononciation locale est un grave problème de communication. Mon ami et moi décidons de continuer sur le pouce. Un jeune s’arrête, et en quelques instants il se met en colère. Il dit que le Québec est en Australie et que je refuse de bien parler anglais. À Houston, d’un commun accord, je descends.

Mon deuxième samaritain, une fille, veut absolument me faire connaître la Louisiane. Enchantée de rencontrer des francophones, elle me parle de la déportation des Acadiens et décide de me faire rencontrer mes ancêtres. Je roule avec elle, de Houston à La Fayette. Son enthousiasme déborde de me montrer la rues des clubs de danseurs et de danseuses nues, de strip-teases de professionnels et de spectacles bien rodés.

La ville a conservé sa culture acadienne. On y célèbre encore la Mardi gras et la musique traditionnelle cadienne fait partie de la culture cajun louisianaise. Il semble que la cuisine régionale est aussi fortement influencée par les Acadiens dont les gombo, le boudin, le jambalaya à base de riz et les haricots rouges. Mais, sans argent en poche pour expérimenter toutes ces coutumes, je dois partir. C’est d’une grande gentillesse de cette fille davoir pensé à cette délicate attention.

paysage et une photo d'un camionneur devant son véhicule

Sans le savoir, une grande aventure m’attend. À nouveau sur le pouce, un camionneur me prend avec lui pour me faire traverser les États-Unis jusqu’à Détroit. Un périple amusant, convivial, sympathique. Je chante des chansons à répondre dans sa radio CB pour les autres camionneurs sur la route. C’est la grande rigolade. J’ai l’impression de voyager dans une caravane interminable de camions.

D’ailleurs, lorsque le camionneur arrive à sa destination, il s’assure de me transférer à un autre camionneur pour que je puisse continuer la route. Quelle traversée inoubliable des États-Unis, c’est immortalisé à jamais dans mes plus beaux souvenirs.

Quelle incursion, quelle arrivée soudaine chez les Mayas!

Un court passage en ces lieux, dont l’origine est si lointaine qu’elle se perd dans la nuit des temps.

Après toutes ces péripéties, je suis ivre d’images. Mon sourire est assis sur le bord de mon lit et me regarde rire.

Des gens mangent des dattes sur un trottoir

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