Par Claire Durocher
Il était une fois notre village au coeur de la forêt presque vierge des Basses-Laurentides. Deux rivières s’y promenaient doucement à l’ombre des feuillus formant un couvert forestier typique à l’Amérique du Nord. Quelques saules trempaient leurs racines dans les rivières pendant que les visons, les castors et les loutres s’amusaient dans l’eau limpide. Les coureurs des bois avaient laissé place aux draveurs. Peu à peu, les voies de navigation transportaient les passagers, les marchandises et les billes de bois. Notre village était si naturellement parfait que le premier moulin à papier du Canada a été construit dans un méandre de la rivière du Nord. C’est là que commence l’histoire de la maison MacKay.
L’industrie des pâtes et papier donne du gallon à St. Andrews East. Une vingtaine de commerçants viennent y faire des affaires, dont Frank Farrish. En 1862, l’avocat criminaliste, J. A. N. Mackay, s’installe dans notre communauté qui est de plus en plus prospère. Il voit grand. Il demande à Farrish de lui construire une résidence avec plusieurs colonnes blanches. Le style colonial est très tendance à cette époque. Bien sûr, une clôture à palissade est mise en façade. Un superbe jardin est aménagé avec des fleurs indigènes, les belles de l’époque.
Le commerçant Farrish est tout indiqué pour réaliser ce projet démesuré de construction. Il a son commerce sur le terrain adjacent, où est construite l’United Chruch en 1927. Le bâtiment religieux est érigé sur les ruines du commerce de Farrish.
L’avocat Mackay laisse sa marque dans l’histoire de notre village. Il a sa pierre tombale dans le cimetière avec son épouse Zoé Desjardins. Faits cocasses, J.A.N. est décédé le 6 mars 1906, à l’âge de 66 ans. Son épouse est décédée le 6 mars 1912, à 66 ans, soit 6 ans plus tard.
La maison Mackay passe à la famille du Dr J. P. Lanctôt. Le médecin fait partie des membres fondateurs de la Société historique du comté d’Argenteuil. Sur la photo, on le voit au centre dans la deuxième rangée.
La bourgeoisie prend place dans la communauté, conséquence directe de l’essor économique comme dans tous les pays occidentaux. Des gens du village trouvent du travail à la maison Lanctôt, dont Sophronie Larocque-Ladouceur. Elle devient la gouvernante de l’épouse du médecin. Sophronie, mère de famille et épouse de Florimond, sait tirer son épingle du jeu. Au décès du Dr Lanctôt, elle tisse un lien plus étroit avec sa patronne et devient sa confidente. Elle est comme le bras droit de la veuve. Parfois, Sophronie n’hésite pas à faire venir ses enfants pour enlever les pissenlits sur le terrain. Les petits Ladouceur s’exécutent, heureux de faire partie de quelque chose de grandiose. Travailler à la grande maison blanche, que dis-je, au château du village même s’il n’y a pas de tour pour la princesse comme dans les contes.
Sophronie a des solutions pour tout. Brillante et dévouée, elle participe activement à cette tranche de vie de notre communauté. Elle est raffinée à ses heures et s’adapte à toutes les situations. Entre autres, elle organise l’heure du thé pour Dame Lanctôt et ses amies. Elle sait ébouillanter les feuilles du thé pour libérer leur parfum. L’Afternoon Tea se déroule avec la vaisselle de circonstance et les petits gâteaux faits par Sophronie. Son fils Gilbert se rappelle que parfois, sa mère ramenait quelques biscuits à la maison. Quel beau souvenir.
Puis, un autre notable acquiert la maison Mackay, Dr Ambar. L’édifice devient une résidence pour des personnes avec des déficiences intellectuelles.
La maison Mackay finira ses jours en abritant des personnes âgées avant de passer sous le pic des démolisseurs en 2023.
Certains résidents sont en proie à une certaine nostalgie face à cet édifice. Ses lettres de noblesse n’ont pas suffi à le conserver comme patrimoine local.
Les derniers locataires sont un parent, un grand-parent, un oncle, une tante ….. tant de personnes y ont séjourné! On entend encore leurs chants, leurs rires, leurs mésaventures. On voit encore leurs yeux s’écarquiller devant les bons plats ou la fameuse barre de chocolat gagnée au bingo légendaire.
Aujourd’hui, Au coeur de la vie d’Argenteuil accueille des personnes atteintes de déficiences intellectuelles, physiques et cognitives.
Les objets s’effritent, mais les souvenirs restent entiers dans la mémoire des citoyens, ici, à Saint-André-d’Argenteuil.
Merci à Gilbert Ladouceur d’avoir partagé ses souvenirs avec nous pour faire connaître notre patrimoine vivant.
Photo d’ouverture : Livre du Tricentenaire de la Seigneurie d’Argenteuil
Photo Dr Lanctôt: https://www.histoiresdecheznous.ca/v2/maude-elizabeth-seymour-abbott/galerie/les-membres-fondateurs-de-la-societe-historique-du-comte-dargenteuil/
Photos : page Facebook de Pierre Chénier et de Dan Trépanier
Ce texte est écrit à partir d’informations de différents sites web sur le patrimoine québécois
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Une belle histoire mémorable à la mémoire des ancêtres des gens de St-André-d’Argenteuil. C’est important de faire revivre nos ancêtres pour ne pas qu’ils soient oubliés. Merci Claire de nous avoir faire connaître la vie de ces gens-là.
C’est parfois surprenant de constater le parcours de nos ancêtres. La vie semblait simple, ils fonctionnaient avec ce qu’il y avait autour d’eux.